Après le règlement sur la protection des données, la loi sur le secret des affaires…
La loi sur le secret des affaires attendue et redoutée dans le monde économique a été publiée le 31 juillet 2018. Si elle modifie le Code de commerce, elle a un impact non négligeable sur les rapports de l’entreprise avec les représentants du personnel et, d’une manière plus générale, sur le droit de la preuve en matière sociale.
La loi commence par définir la notion d’information protégée.
« Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
« 1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
« 2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
« 3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. » (Article L.151-1 du Code de commerce)
La lecture de cette définition permettrait de considérer qu’il ne s’agit en réalité que des brevets déposés ou non.
En réalité, la définition est complétée par son versant négatif, c’est-à-dire par l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicite.
« L’obtention d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime et qu’elle résulte :
1° D’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ;
2° De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale. » (Article L.151-4 du Code de commerce)
L’entreprise qui en est victime peut saisir les tribunaux civils dans un délai de cinq ans à compter des faits qui en sont la cause. Les dommages et intérêts qu’elle pourra obtenir seront fonction des conséquences économiques négatives issues de l’atteinte incriminée, mais aussi de son préjudice moral et des bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires.
Chose rare, mais heureuse, le texte prévoit des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive. L’amende prononcée ne peut pas être supérieure à 20 % du montant de la demande de dommages-intérêts et, en l’absence de dommages et intérêts, à 60.000 € maximum.
C’est ainsi tout l’espionnage économique qui a vocation à être réprimé par cette nouvelle loi sur le secret des affaires.
Les salariés, potentiels auteurs d’atteintes au secret des affaires, sont naturellement concernés. Ils ne pourront toutefois être sanctionnés sur le fondement de ce texte que si le règlement intérieur de l’entreprise comprend une définition de la violation du secret des affaires et en précise les sanctions.
Attention toutefois, le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenu pour exercer le droit à la liberté d’expression ou pour révéler, de bonne foi et dans le but de protéger l’intérêt général, une activité illégale. Cette disposition vise expressément le droit d’alerte considéré comme beaucoup plus important que le respect du secret des affaires.
De la même manière, le secret n’est pas opposable lorsque l’obtention est intervenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants.
La divulgation du secret des affaires par des salariés à leurs représentants est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime par ces derniers de leurs fonctions, pour autant que cette divulgation était nécessaire à cet exercice. L’information ainsi obtenue ou divulguée demeure protégée au titre du secret des affaires à l’égard des personnes autres que les salariés ou leurs représentants qui en ont eu connaissance. Il est à noter que ces dispositions sont invocables dans le cadre d’instances relatives à une atteinte au secret des affaires.
Qu’en est-il lorsque ce n’est pas l’objet principal de l’instance mais que ce secret est susceptible d’être invoqué ? Par exemple, dans le cadre de contentieux relatifs à l’inégalité de traitement, qui se multiplient et pour lesquels les juridictions demandent le plus souvent à l’employeur de fournir des panels permettant de justifier l’inégalité invoquée. Ces panels, nominatifs, heurtent à la fois le principe de la confidentialité mais aussi celui du secret des affaires en ce qu’ils permettent notamment de vérifier les montants de rémunération des salariés cités.
Le texte est muet sur ce point.
Il l’est également au sujet de l’obligation d’information des entreprises vis-à-vis de leurs salariés. Les contrats de travail contiennent souvent des clauses de confidentialité, qu’il conviendra donc, selon nous, de renforcer.