L’expression des avis politiques au travail : l’abstention est peut-être la meilleure option!

En ces temps passablement politiques et polémiques, le Cabinet vous propose un petit coup de projecteur sur ce que l’on peut ou non dire en entreprise…
Le sujet politique en entreprise pose en réalité la question de la liberté d’expression en entreprise.

La liberté d’expression constitue évidemment une liberté fondamentale notamment garantie par :

  • Les articles 10 et 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
  • L’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme

L’un de ses corollaires, la liberté d’opinion en entreprise est quant à elle spécifiquement garantie par l’article 5 du préambule de la Constitution de 1946.

Nota : il convient d’être vigilant à l’expression employée.

En effet, la liberté d’expression se distingue bien du droit d’expression en entreprise qui est un droit garanti par l’article L.2281-1 du Code du travail et qui assure à chaque salarié le droit de s’exprimer sur le contenu, les conditions et l’organisation du travail.

C’est donc de ces grands principes que découle la liberté d’exprimer, ou non, ses opinions politiques sur son lieu de travail ou en dehors.
Comme chacun le sait, toute liberté trouve une limite. En France, la limite à la liberté d’expression est l’abus.

Cet abus se définit par des termes injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Cass. soc., 16 décembre 2020, n°19-20.394

Il est apprécié en fonction du contexte et de sa publicité. Plus l’auditoire de l’abus est large, plus il est constitué.

Cass., soc., 3 décembre 2014, n°13-20.501

Enfin, il est également évalué sous le prisme de la fonction de l’auteur et de l’activité de l’entreprise. En somme, tout litige né de l’expression d’un avis politique au sein de l’entreprise fera l’objet d’une appréciation casuistique.

Si tout principe trouve une limite, tout principe trouve également des exceptions. Les exceptions que nous pouvons retrouver le plus souvent sont les suivantes :

  • Les journalistes :

Ils sont tenus par un devoir de loyauté envers la ligne éditoriale de publication dans l’exercice de leurs fonctions. Ainsi, la liberté d’expression peut s’en trouver d’autant plus limitée dans l’intérêt de l’édition. En dehors de l’exercice de leurs fonctions, c’est-à-dire à l’occasion d’échanges plus informels, avec des collègues par exemple, les règles générales édictées ci-dessus retrouvent leur application.

  • Les entreprises de tendance (parti politique, organisation syndicale, …)

Il est considéré comme légitime d’exiger l’absence de manifestation publique d’un désaccord avec son employeur. Certaines restrictions, plus importantes que le seul abus sont donc admises.

  • La fonction publique

Les fonctionnaires disposent d’une liberté d’opinion mais pas d’expression. La limite spécifique qui leur est imposée est le devoir de neutralité attaché au service public.

En résumé, un employeur ne peut pas restreindre de manière injustifiée la liberté des salariés. Le juge interdit ainsi toute clause au règlement intérieur visant à interdire à ses salariés d’avoir des discussions politiques.

CE, 25 janvier 1989, n°64296

Il peut néanmoins imposer un devoir de neutralité s’il est « justifié par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise et s’il est proportionné au but recherché ».

Article L.1321-2-1 du Code du travail

Enfin, les employeurs doivent rester vigilants, en cas d’opinion affichée d’un salarié, à ne pas opérer de discrimination (directe ou indirecte) à son encontre. Toute décision prise fondée, notamment, sur les opinions du salarié serait nulle et l’employeur s’exposerait à un risque de sanctions pénales.

Article L.1132-1 du Code du travail
Article L.1132-4 du Code du travail
Article 225-2 du Code pénal

Alors, chers salariés, ne soyez pas trop prolixes, chers employeurs, ne tendez pas trop l’oreille !

Focus :

Petit point d’attention sur le cas particulier des syndicats qui, on le sait, disposent généralement d’une étiquette politique plus ou moins affichée. Il convient dès lors de rappeler que les syndicats ont pour objet l’étude et la défense des droits et intérêts des salariés.

Ils ne peuvent donc mener des actions politiques que si elles ont un lien avec l’emploi. A défaut, une sanction disciplinaire peut être encourue…

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