TÂCHES, TEMPS, SALAIRE, des relations ambiguës ?

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L’heure, la journée, la semaine : voilà les référentiels de paiement du temps de travail.

Depuis le 19ème siècle, le salaire ne dépend plus du nombre de produits réalisés, mais bien du temps consacré pour les effectuer. En témoignent les nombreuses dispositions européennes, légales et conventionnelles sur le temps de travail journalier, hebdomadaire, mensuel ou annuel, ainsi que sur le salaire minimum dû.

Pourtant, dans ses dernières décisions en la matière, la Cour de cassation semble réintroduire un nouveau référentiel quantitatif dans le contrôle du temps de travail : la tâche.

Est-ce là le retour à l’ère industrielle, durant laquelle la rémunération était fonction du nombre de tâches accomplies en un temps donné ? Pas tout à fait…

La question n’est plus « le salarié respecte-t-il les horaires de travail ? », mais « le salarié dispose-t-il du temps nécessaire pour effectuer les tâches demandées ? » 

L’employeur est ainsi tenu à un double contrôle :

  • Le contrôle des temps de travail de ses salariés, ces temps devant respecter les durées de repos légales et conventionnelles et être justement rémunérés ;
  • Le contrôle de l’adéquation entre les tâches confiées et le temps imparti pour les réaliser.

Il est dès lors question d’évaluer la charge de travail – en établissant une moyenne du temps nécessaire pour accomplir chaque tâche – et de contrôler si, au regard de celle-ci, le travail confié est proportionné au temps imparti.

Paiement contraint des heures supplémentaires en vue !

Gare à l’invalidité des forfaits jours !

I. La charge de travail et les heures supplémentaires

La jurisprudence voulait que seules les heures supplémentaires effectuées à la demande de l’employeur soient rémunérées (Cass. soc. 30 mars 1994, n°90-43.246), sans pour autant que l’accord explicite de ce dernier soit requis : dès lors qu’il avait eu connaissance de l’accomplissement d’heures supplémentaires et ne s’y était pas opposé, l’employeur était tenu de les rémunérer (Cass. soc. 2 juin 2010, n°08-40.628).

Il semble toutefois que le vent ait tourné … Très récemment, la Cour de cassation a en effet jugé que, même si l’employeur avait refusé la réalisation d’heures supplémentaires, ou s’était abstenu de tout accord en ce sens, le salarié pouvait en obtenir le paiement, dès lors qu’il établissait que leur réalisation avait été rendue nécessaire par l’ampleur des tâches confiées (Cass. soc. 14 novembre 2018, n°17-16.959 et n°17-20.659).

Faute d’adéquation entre le temps de travail du salarié aux 35 heures et sa charge de travail, le paiement des heures supplémentaires se présente ainsi comme une contrainte nouvelle imposée aux employeurs.

Ses conséquences financières peuvent être extrêmement lourdes, puisque la prescription en la matière est de 3 ans.

La Haute Cour confirme de manière formelle que l’inadéquation de la charge de travail aux tâches à accomplir entraîne le paiement d’heures supplémentaires, quand bien même l’employeur les aurait interdites.

II. La charge de travail et le forfait jours

On pourrait penser que les salariés au forfait jours, affranchis des obligations liées aux durées quotidiennes et hebdomadaires maximales de travail, échapperaient à ce revirement.

Or, un mois après la décision précitée, la Cour de cassation s’est emparée du sujet et a affirmé que le contrôle effectif de la charge de travail du salarié en forfait jours était une condition stricte de validité du dispositif (Cass. soc. 19 décembre 2018, n°17-18.725).

Il est bien ici question de l’effectivité du droit : il ne suffit plus que les dispositions conventionnelles et contractuelles répondent aux exigences d’ordre public, qui imposaient déjà des évaluations fréquentes de la charge de travail des salariés au forfait. Il faut désormais assurer la mise en place de dispositifs de contrôle du temps au sein de l’entreprise et engager un processus de réflexion sur le temps nécessaire à la réalisation des tâches confiées, y compris pour des salariés autonomes.  

L’employeur, sur lequel repose la charge de la preuve, doit pouvoir justifier des tâches exécutées par son salarié au forfait jours, faute de quoi il risque de se voir opposer la nullité de ce dernier, assortie des rappels d’heures supplémentaires afférents …

Dans ce contexte, il semble primordial de mettre en œuvre, au sein des entreprises, des mécanismes d’évaluation et de quantification de la charge de travail.

L’option d’un contrôle général, transposable à tous les salariés, n’est malheureusement pas la solution, chacun disposant de missions, d’objectifs et d’un temps de travail propres.

En revanche, l’établissement de fiches de poste paraît constituer une condition sine qua non d’un contrôle effectif et efficace de la charge de travail des salariés, ainsi évaluée in concreto et avec leur aval.

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